L’innovation est un mot valise souvent mal compris ou mal interprété. Ce concept attire en ce qu’il porte une espérance d’un autre avenir, d’une autre situation plus heureuse, plus épanouissante et enrichissante. Mais les techniques, le langage et les pratiques, encore parfois peu explicités dans les formations initiales ou professionnelles, renvoient à une complexité souvent excluant.
Pourtant, notre vie est pleine d’exemples concrets d’innovations très explicites sur la marche à suivre et les clés de la réussite. Exemples qui, à la fois, montrent où doivent se porter les principaux efforts de changement des organisations et tordent le cou à des idées tenaces.
Ce que la recherche a démontré depuis longtemps, c’est qu’une innovation radicale, transformant le cadre d’un marché, ne repose pas sur la maîtrise de compétences techniques ou d’expertises métiers. C’est avant tout la capacité à se réinventer et transformer son mode d’organisation en donnant l’espace nécessaire pour imaginer un autre futur.
Un doute sur mon propos ? Illustrons-le à travers un exemple emblématique et un peu, comment dire, hors cadre. Michaël Jackson. Non, pas celui de la chirurgie esthétique ou des polémiques judiciaires. Je parle de l’artiste. Que l’on aime ou pas son œuvre, il est un exemple éclatant des facultés humaines à se remettre en question et s’inventer un nouvel avenir – remettant en question alors le modèle de cycle de vie d’un produit. Et puis, ne vous privez de lire ce post en réécoutant les morceaux de musique en question. Pas de mal à se faire du bien. Enfin, si vous aimez MJ !
Un peu d’histoire …
MJ (c’est son surnom) est né en 1958 dans une famille noire très pauvre. Dès l’âge de 6 ans, son père crée les Jackson Five, plaçant MJ comme chanteur pour ses qualités vocales.
Lancés dans le grand bain du star système par la Motown, créée et dirigée par Berry Gordy, ils connaissent un succès foudroyant dès 1969 avec des morceaux comme I Want you back ou ABC
Formatés pour plaire à la population blanche du nord et de l’ouest, les Jackson Five s’inscrivent dans un storytelling marketés mais rapidement vieillissant. Dès 1972, le déclin commence. Ce n’est qu’en 1979, que MJ connaît un nouvel immense succès qui l’amène au triomphe de l’album Thriller (album le plus vendu dans l’histoire de la musique) en 1982, suivi des réussites de Bad et Dangerous.
Les clés de la réussite …
Que se passe-t-il entre 1972 et 1982 dans sa vie d’artiste ? Quel est le chemin suivi par ce jeune homme ? Comment a-t-il réussi à passer d’un statut d’enfant star, voué à disparaître à l’âge adulte, à celui de King of Pop ?
Son talent, ses qualités créatives et artistiques peut-être ? Oui sans doute. Mais avant tout, c’est sa capacité à abandonner son cadre habituel de fonctionnement, à prendre un statut d’Outsider, à lâcher-prise, à s’ouvrir à des rencontres imprévues et à se sortir de toute forme de plan d’actions prédictif.
Durant cette période, MJ opère des ruptures successives liées à des tâtonnements, des réussites relatives voire des échecs. A partir de 1976, il se sépare de la Motown, rompt avec un père autoritaire et oppressant, puis s’éloigne peu à peu du groupe, et donc ses frères, pour aller à la recherche de son propre avenir.
Son album solo sorti en 1979 n’est pas le premier. MJ en a réalisé plusieurs entre 1972 et 1976. Sans connaître le succès escompté. Alors pourquoi celui de 1979 connaît un tel succès ?
Parce qu’en quittant son environnement, MJ fait la rencontre décisive d’un artiste confirmé mais issu d’un milieu musical totalement différent : Quincy Jones.
C’est la rencontre de ces deux talents qui est la clé des succès futurs. C’est parce qu’il s’ouvre à d’autres perspectives, qu’il aménage un nouvel espace, laissant libre court à leur créativité artistique, qu’il parvient à innover. Il crée une icône qui bouleverse le monde de la musique : la rythmique, le Moonwalk, les clips …
Cette rupture est une prise de risque pour lui. Mais, rassurez-vous, il n’a pas lâché la proie pour l’ombre. Entre 1978 et 1982, MJ continue à travailler avec ses frères et publie un nouvel album avec des morceaux à forte notoriété comme Blame It on the Boogie. Ce n’est qu’après le triomphe de Thriller qu’il rompt définitivement avec ses frères pour cette autre aventure.
Que retenir …
- La créativité est un élément fort de toute démarche d’innovation, mais là ne réside pas la clé de la réussite. Le talent est intrinsèque à chacun de nous. Il ne demande qu’à s’exprimer ;
- Pour réussir une innovation, il faut d’abord créer un espace propice à imaginer le futur, à la fois en rupture avec le quotidien, le rôle assigné, les modes de fonctionnement, les codes, les expertises classiques et ouvert sur d’autres compétences, savoir-faire et pratiques ;
En créant cet espace, il faut être prêt à rompre avec son environnement, même si cela peut être parfois douloureux – dans le cas de MJ avec sa famille.
- Il faut aussi faire coexister, dans les organisations déjà en place, le quotidien, source de revenus indispensables pour financer l’innovation, et cet espace de création (start-up, incubateur, … etc) grand consommateur de ressources et à l’avenir incertain.
Au fait, c’était quoi le titre de cet album clé en 1979 ? Ah oui Off the Wall ... Tout est dit.